Avant toute chose, je vous invite à lire la page A Propos qui fournit quelques renseignements sur ce blog et son auteur.
En guise de premier article, je voudrais commencer par une exégèse de son titre.
Le terme « évangile » est issu du grec ancien evangélion (εὐαγγέλιον) qui signifie « bonne nouvelle ». A l’origine, il s’agit du message de Jésus transmis oralement par ses premiers disciples. Ce message fut ensuite couché par écrit, suivant différentes traditions, la plupart se rapportant nommément à l’un des disciples. Ce terme est spécifique à la personnalité de Jésus. Par exemple, le Coran mentionne un texte sacré nommé Al-Injil (traduction en arabe du terme « évangile ») qui est le nom donné à révélation divine qui a été faite au prophète Îsâ … « notre » Jésus de Nazareth.
Quatre évangiles sont reconnus comme canoniques (c’est-à-dire considérés comme sacrés par les églises chrétiennes) : les évangiles selon Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ces quatre évangiles constituent une partie conséquente du Nouveau Testament.
D’autres évangiles, non reconnus par les églises, sont dits apocryphes (du grec apókryphos (ἀπόκρυφος) « caché »). Il en existe des dizaines dont nous n’avons souvent que quelques extraits. Parmi les plus connus, je citerais :
- les évangiles de la nativité et de l’enfance : le proto-évangile de Jacques, l’évangile du Pseudo-Thomas, l’histoire de Joseph le Charpentier;
- les évangiles de la Passion : l’évangile de Pierre, les Actes de Pilate;
- les évangiles gnostiques : l’évangile de Thomas, l’évangile de Judas…
Même si ces livres ne sont pas « reconnus » par les églises chrétiennes, ils ont eu une influence non-négligeable sur le développement de la religion chrétienne. Un exemple parmi d’autres : cherchez dans le Nouveau Testament la description de la grotte de la Nativité, des animaux entourant Jésus à sa naissance, le nom des Rois Mages… Vous ne trouverez pas, cette tradition est issue d’un évangile apocryphe (le Proto-évangile de Jacques en l’occurrence). Le mécanisme qui a décidé de la canonisation ou non d’un évangile n’est pas connu mais s’apparente probablement à une décision politique plutôt qu’à une inspiration divine.
Le pape émérite Benoit XVI donne une définition complémentaire du terme « évangile » :
Ce terme renvoie au langage des empereurs romains qui se considéraient comme les maîtres du monde, ses sauveurs et ses rédempteurs. Les messages de l’empereur portaient le nom d’«évangiles» (NdA : Evangelium), indépendamment du fait que leur contenu soit particulièrement joyeux et agréable. […]
Si les évangélistes reprennent ce mot, qui est devenu depuis le nom générique désignant leurs écrits, c’est parce qu’ils veulent dire que ce que les empereurs, qui se font passer pour dieu, prétendent à tort, se réalise ici réellement : un message délivré en toute autorité, qui est réalité et non simple discours.
Benoit XVI est le seul auteur à ma connaissance à apporter cet éclairage sur le terme « évangile ». Cette lecture complémentaire du mot « évangile » est en tout état de cause très séduisante.
En résumé, nous pourrons retenir que : un évangile contient l’enseignement de Jésus de Nazareth, généralement sous la forme d’une « pseudo »-biographie relatant actes et paroles, dans certains cas uniquement comme une simple collection de paroles.
Utilisons maintenant un grand mot : « Evangile Athée » est un oxymore. L’antagonisme apparent entre un terme profondément lié à la religion (« Evangile ») et un adjectif qui nie toute religiosité (« Athée« ) met en évidence la contradiction apparente de mon parcours. Mon entourage athée ne comprend pas mon intérêt pour la vie de Jésus et me soupçonne à demi-mot de basculer du côté obscur de la Force alors que mon entourage croyant espère une conversion à venir.
Pour conclure cet article, remarquons que la tradition orale appelle les différents évangiles « Evangile de Matthieu », « Evangile de Marc », « Evangile de Luc » ou « Evangile de Jean ». Leur nom complet est en fait « Evangile de Jésus-Christ selon Matthieu » (ou selon Marc ou Luc ou Jean). Ceci est logique puisque, comme indiqué précédemment, les évangiles ont pour but d’annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ, telle qu’elle est relatée par certains témoins, directs ou indirects. L’entame de l’évangile selon Marc est à ce titre explicite :
« Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu : » (Mc 1,1)
En toute rigueur, ce blog devrait donc s’appeler « Evangile de Jésus-Christ selon un athée » … mais cela faisait un peu long.
Bonne lecture … j’espère !
Quelques remarques complémentaires en vrac :
– évangile avant de désigner un écrit désigne un message. Prenez par exemple les nombreuses utilisation du terme dans la 1er lettre de Paul aux Romains. Celui-ci ne songe absolument pas à un écrit, mais bien à un message (qui pour lui, grosso modo, est la réconciliation de l’humanité avec Dieu dans la Croix et la Réssurection du Christ).
– ainsi le « évangile de Jésus Christ » du début de Marc peut certes désigner le livre (une sorte de titre), mais il est plus vraisemblable qu’il désigne le contenu
– dire « un évangile relate la vie et l’enseignement de Jésus de Nazareth avec l’objectif d’annoncer la bonne nouvelle » est vrai pour les canoniques et une partie des apocryphes, mais pas valable partout. Ainsi l’Évangile de Thomas est une simple collection de paroles, mais ne parle absolue pas de la vie de Jésus.
C’est exact, je vais mettre à jour l’article en conséquence. Merci !
je reviens sur le 1er paragraphe « A l’origine, il s’agit du message de Jésus transmis oralement par ses premiers disciples ».
Pas vraiment, enfin cela dépend ce qu’on appelle « le message de Jésus ». Est-ce le message que Jésus annonce ou le message dont il est l’objet? Dans les évangiles canoniques, c’est effectivement le message qu’il annonce. En revanche chez Paul, l’Évangile, c’est le Christ (et pas vraiment Jésus).
Dans l’article, je m’intéresse à l’origine des évangiles tels que nous les connaissons actuellement et je centre donc sur le message annoncé par Jésus puisque c’est bien ce qu’ils contiennent.
Paul a effectivement sa propre interprétation du terme évangile, plutôt liée au Christ lui-même qu’au message de Jésus (dont la vie historique ne l’intéresse nullement).
Je ne suis par contre pas 100% d’accord sur votre association Christ = Evangile. Elle semble vraie dans certains passages des épîtres de Paul (Romains 1:2,3 – 1 Thessaloniciens 1:4,6…) mais beaucoup moins dans d’autres passages (2 Corinthiens 4:2,4 – Galates 1:6,7 – Galates 1:12…).
Débat compliqué pour un article d’introduction…
Merci
oui, débat compliqué, et pas facilement exposable simplement. Cela étant je reste convaincu qu’on ne peut pas comprendre le sens du terme Évangile dans le Christianisme ancien si on ne prend pas en compte ce sens premiers, Paul étant le plus ancien témoignage chrétien conservé (si on exclut les logias du Christ conservé dans les évangiles, canoniques ou non)
J’ai évidemment schématisé la pensée Paulinienne. Mais je crois que l’idée reste globalement celle-ci (à quelque passage près, dans les exemples que vous citez, seul Ga 1, 12 est vraiment convaiquant pour dire Évangile = Message de Jésus-Christ (et pas de Jésus tout court !). Et encore : si on met cela en relation avec le récit des actes ainsi que le récit en 2 Co 12, on se rend compte que ce que le Christ a revelé à Paul, c’est lui-même.
Enfin il faudrait faire tout l’exegèse du passage, mais je pense que globalement ce schéma est valable.
Du reste mon premier message parlait de l’Évangile chez Paul comme la réconciliation avec Dieu en Christ. Donc effectivement Évangile n’est pas Christ, sauf par métonymie, que Paul n’hésite pas à employer. Mais Paul n’est de toute facon pas un systématicien.
Bref, tout cela était pour dire je crois qu’on ne peut pas comprendre le titre d’Évangile que si on réfléchit aussi à l’usage Paulinien.