Jean 7:53-8:11 – Jésus et la femme adultère

Ce premier article d’exégèse est consacré à l’un de mes passages préférés du Nouveau Testament : l’épisode de Jésus et de la femme adultère. L’article est long mais permet de survoler la plupart des thèmes que je détaillerai ultérieurement dans ce blog. Si vous n’y résistez pas, inutile de revenir et choisissez un sujet moins intellectuel 😉

Je fais plusieurs renvois à Wikipédia. Même si Wikipédia n’est pas toujours parfaitement rigoureux, la majorité des contributions y est d’excellente facture. Pas de honte à y faire référence, j’assume !

Le titre

Toute citation d’un texte biblique est précédée d’une référence (dans ce cas précis : Jean 7:53-8:11). Cette référence respecte une nomenclature commune à toutes les Bibles et qui est donc utilisée dans tous les livres d’exégèse.

Comment fonctionne cette nomenclature ?

La Bible est constituée de deux parties : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, eux-mêmes subdivisés en plusieurs livres.

L’Ancien Testament contient principalement :

  • les 5 livres du « Pentateuque » (du préfixe « Penta », cinq en grec) : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome;
  • quelques autres livres (les Juges, les Psaumes, les Prophètes…) que je ne détaillerai pas pour le moment.

L’Ancien Testament est commun aux religions juive et chrétienne, le Pentateuque n’étant autre que la Torah des Juifs. Les plus anciens textes dateraient du VIII ème siècle avant J.C.

Le Nouveau Testament est quant à lui spécifiquement chrétien. Il contient principalement :

  • les quatre évangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean) et les Actes des Apôtres,
  • diverses épîtres (mot synonyme de « lettres ») dont les plus connues sont celles de Paul,
  • l’Apocalypse de Jean.

Les plus anciens textes du Nouveau Testament (les épîtres de Paul) dateraient quant à eux de quelques années après la mort de Jésus.

A noter que les Bibles catholiques, protestantes ou orthodoxes ne contiennent pas exactement la même liste de livres. Il n’y a donc pas une Bible mais plusieurs Bibles suivant les confessions mais je laisse ces subtilités pour un prochain article.

Par convention depuis le Moyen-Âge, les différents livres de la Bible sont divisés en chapitres, eux-mêmes subdivisés en versets, petits paragraphes numérotés de quelques mots. Le regroupement de plusieurs versets formant un ensemble cohérent s’appelle en exégèse une péricope, terme provenant du grec περικοπή (« pericopi », qui signifie découpage). Pour être complet, chaque texte de la Bible a une abréviation normalisée, par exemple « Gn » pour la Genèse. Cette abréviation peut varier en fonction des langues. Ainsi, « Jn » est l’abréviation francophone pour l’Evangile de Jean alors que c’est « Jo » (John) pour les anglophones.

L’extrait étudié dans cet article est la péricope dit de « la Femme adultère » (en latin, la « Pericope Adulterae » ou « Pericope de Adultera » pour faire sérieux) et se trouve donc, suivant la nomenclature, dans l’Evangile de Jean, entre le verset 53 du chapitre 7 et le verset 11 du chapitre 8 (les 2 versets étant inclus).

Les éditions de la Bible

La langue majoritairement parlée en Palestine à l’époque de Jésus n’était ni le latin (la langue de l’occupant romain), ni le grec (la langue du précédent envahisseur, à savoir les armées d’Alexandre le Grand), ni l’hébreu (la langue religieuse) mais l’araméen. Les historiens pensent que les actes et paroles de Jésus ont tout d’abord été transmis oralement en araméen avant d’être couchés par écrit en grec. D’ailleurs, certains mots araméens subsistent dans le texte grec (et dans les traductions ultérieures). L’exemple le plus connu est le nom de la colline où Jésus aurait été crucifié (je mets un conditionnel pour le lieu, pas pour mettre en doute la crucifixion de Jésus) : le Golgotha. C’est un terme araméen qui signifie « lieu du crâne ». En effet, le crâne d’Adam est censé y reposer. C’est d’ailleurs pour cela que nombreuses peintures religieuses de la crucifixion représentent un crâne au pied de la Croix. Autre exemple : les 2 derniers mots du Nouveau Testament sont « Marana Tha« , transcription littérale en grec d’une expression araméenne signifiant « Viens Seigneur ». La plupart des Bibles ont perdu ce terme originel (contrairement au Golgotha) suite à une double traduction (araméen vers grec, puis grec vers français). Dommage, ce terme a un côté magique.

A ce jour, les textes les plus anciens du Nouveau Testament ont tous été retrouvés écrits en grec, jamais en hébreu ou en araméen ou en latin. Soyons clair : il n’est pas exclu de retrouver un jour un évangile (ou une partie) en araméen ou en hébreu mais ce serait une révolution dans l’exégèse biblique.

La Bible a été traduite dans quasiment toutes les langues et est à ce jour le livre le plus publié au monde. Trois traductions sont particulièrement célèbres dans l’histoire :

  • La Septante : c’est la première traduction en grec de l’Ancien Testament effectuée en Egypte vers 270 avant J.C. à la demande du pharaon Ptolémée II pour alimenter la fameuse bibliothèque d’Alexandrie dont l’ambition était de contenir tout le savoir de l’époque;
  • La Vulgate : cette traduction en latin fut effectuée au IVème siècle par Saint Jérôme (souvent représenté à côté d’un lion du pied duquel il aurait arraché une épine). Cette traduction reste utilisée dans l’église catholique de nos jours (le dernier « toilettage » date de 1979). Elle est par ailleurs le premier livre imprimé par Gutenberg;
  • La Bible de Luther : c’est la traduction allemande de la Bible réalisée par Martin Luther à partir des textes « originaux » (en hébreu pour l’Ancien Testament, en grec pour le Nouveau Testament). C’est le fondement du protestantisme (et de la langue allemande).

Chaque traduction varie en fonction des sources utilisées (sources hébraïques, grecques, latines, françaises…), de l’audience ciblée et de l’auteur de la traduction. Un catholique, un orthodoxe et un protestant peuvent avoir une interprétation et donc une traduction différente du même texte grec.

Tout exégète sérieux se doit donc :

  1. de citer clairement sa Bible de référence,
  2. dans certains cas, de comparer différentes versions, voire de revenir au texte hébreu ou grec original. De nombreux sites internet ou outils existent pour naviguer aisément d’une traduction à l’autre,
  3. d’être clair quant à sa position religieuse.

Pour ma part,  j’utilise dans mes citations la Bible Segond 21 qui est éditée depuis 2007 par la Société Biblique de Genève (plutôt d’orientation protestante). Son ambition est affichée en première page : « L’original, avec les mots d’aujourd’hui ». Dans mon cas, cette Bible a un avantage énorme : elle est libre de droit et je peux donc la citer librement sans risquer les foudres de l’éditeur. 🙂

Je m’appuie aussi sur 2 autres traductions (plus appréciées des historiens) :

  • la Bible de Jérusalem : c’est la Bible de la Bible (en français s’entend) publiée pour la première fois en 1955. Elle a été écrite sous le contrôle de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, établissement fondé par les Dominicains (donc catholique);
  • la Traduction Œcuménique de la Bible (la TOB) : elle est née de la volonté des mêmes Dominicains de faire participer protestants et orthodoxes à une traduction consensuelle (« œcuménique ») de la Bible de Jérusalem. La première édition date de 1975. A noter que les orthodoxes y ont peu participé, faute de « combattants » (seulement 2 exégètes orthodoxes francophones connus au lancement du projet ! Si le cœur vous en dit, la concurrence est faible sur ce créneau…). La participation de Juifs fut aussi envisagée.

Analyse de la péricope

Voici l’ensemble du texte de la péricope :

7:53 [Puis chacun rentra chez soi.

8:1 Jésus se rendit au mont des Oliviers. Mais dès le matin il revint dans le temple et tout le peuple s’approcha de lui. Il s’assit et se mit à les enseigner. Alors les spécialistes de la loi et les pharisiens amenèrent une femme surprise en train de commettre un adultère. Ils la placèrent au milieu de la foule et dirent à Jésus: «Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes. Et toi, que dis-tu?» Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur le sol. Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit: «Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle.» Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés et jusqu’aux derniers; Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. 10 Alors il se redressa et, ne voyant plus qu’elle, il lui dit: «Femme, où sont ceux qui t’accusaient? Personne ne t’a donc condamnée?» 11 Elle répondit: «Personne, Seigneur.» Jésus lui dit: «Moi non plus, je ne te condamne pas; vas-y et désormais ne pêche plus.»]

Rentrons maintenant dans le vif du sujet en analysant pas à pas (verset par verset devrais-je dire) le texte.

7:53 [Puis chacun rentra chez soi.

Au risque de passer pour un escroc de l’exégèse, je vais vous demander d’oublier pour un instant cette petite phrase, j’y reviens à la fin de l’article. Suspens…

8:1 Jésus se rendit au mont des Oliviers.

La péricope commence par un marqueur de lieu. Les évangiles fournissent de temps à autre des marqueurs de lieu (« … au mont des Oliviers », « … de la Galilée jusqu’au Jourdain… », « … le long du lac de Galilée ») ou des marqueurs de temps (« A cette époque-là… », « La quinzième année du règne de l’empereur Tibère », « un jour »).

Ces marqueurs sont plus ou moins précis et laisse espérer la possibilité de reconstituer une chronologie précise de la vie historique de Jésus. Espérance vaine : les évangiles ne sont pas des « biographies » de Jésus au sens actuel du terme. Même s’ils s’appuient sur des événements, des lieux et des personnages historiques, la mise en scène a un but religieux et pas un but biographique. Prenons un exemple simple : dans l’évangile de Jean, Jésus vient 3 fois à Jérusalem entre sa rencontre avec Jean-Baptiste (début de sa prédication) et sa crucifixion alors que dans les 3 autres évangiles (Marc, Matthieu et Luc), il n’y vient qu’une fois. Suivant les sources, sa prédication aurait donc duré entre 1 et 3 ans. Espérer retracer une biographie précise des faits et gestes de Jésus à partir des Evangiles est donc une illusion et ceux qui prétendent le faire ne sont que de mauvais historiens. D’ailleurs, le Pape Emérite Benoit XVI remarque judicieusement dans son (excellent) ouvrage « Jésus de Nazareth » :

Quand on fait une lecture comparée de plusieurs de ces reconstitutions (NdA : de la vie de Jésus), force est de constater qu’elles reflètent davantage leurs auteurs et leurs idéaux qu’elles ne mettent au jour l’icône du Christ, alors devenue floue.

Revenons à notre marqueur de lieu. Géographiquement, le Mont des Oliviers est un ensemble de 3 collines situées à l’est de Jérusalem, séparées de la ville par la vallée du Cédron. Le Mont des Oliviers est un lieu symbolique de la prédication de Jésus : il est cité 14 fois dans le Nouveau Testament. Jésus fait de nombreux aller-retour entre la ville et le Mont des Oliviers. Il aurait d’ailleurs été arrêté dans les jardins de Gethsémani que la tradition situe au pied du Mont des Oliviers. C’est aussi, d’après certaines traditions extérieures aux Evangiles, le lieu de l’Ascension de Jésus. Une église a d’ailleurs été édifiée pour abriter ce qui serait la dernière empreinte du pied de Jésus sur terre. Signalons enfin que c’est aussi un lieu historique pour les musulmans puisque c’est à partir du Mont des Oliviers que Saladin réussit à reprendre la ville de Jérusalem aux Croisés en 1187.

Dans l’Ancien Testament, ce lieu est cité uniquement 2 fois :

  • dans 2S 15:30,32 (je vous aide : Ancien Testament, 2ème Livre de Samuel, chapitre 15, versets 30 à 32)

30 David gravit le mont des Oliviers. Il montait en pleurant et la tête couverte, et il marchait nu-pieds. Tous ceux qui l’accompagnaient se couvrirent aussi la tête et ils montaient en pleurant. … 32 Lorsque David fut arrivé au sommet, il adora l’Eternel. (2S 15:30,32)

Peu importe le contexte de la citation, il faut simplement retenir de cet extrait que c’est un lieu d’adoration de l’Eternel (Dieu) en dehors du contexte du Temple de Jérusalem.

  • dans Za 14:1,4 (Ancien Testament, Livre de Zacharie, chapitre 14, versets 1 à 4)

14:1 Voici qu’arrive un jour pour l’Eternel, et l’on partagera au milieu de toi le butin qu’on t’a pris. 2 Je rassemblerai toutes les nations pour qu’elles attaquent Jérusalem: la ville sera prise, les maisons seront pillées, et les femmes violées; la moitié de la ville partira en exil, mais le reste du peuple ne sera pas éliminé de la ville. 3 L’Eternel sortira et combattra contre ces nations, comme il combat le jour de la bataille. 4 Ses pieds se poseront, ce jour-là, sur le mont des Oliviers qui est vis-à-vis de Jérusalem, du côté est. Le mont des Oliviers se fendra par le milieu, d’est en ouest, et une très grande vallée se formera. Une moitié de la montagne reculera vers le nord, et une moitié vers le sud. (Za 14:1,4)

Le Mont des Oliviers est donc le lieu où l’Eternel fera son apparition pour le « Jugement Dernier ».

Un peu plus loin dans le texte, le verset Za 14:21 est encore plus intéressant puisqu’il préfigure Jésus chassant les marchands du Temple :

21 Toute marmite à Jérusalem et dans Juda sera consacrée à l’Eternel, le maître de l’univers. Tous ceux qui offriront des sacrifices viendront et s’en serviront pour cuire les viandes, et il n’y aura plus de marchands dans la maison de l’Eternel, le maître de l’univers, ce jour-là. (Za 14:21)

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce passage dans un futur article…

2 Mais dès le matin il revint dans le Temple et tout le peuple s’approcha de lui. Il s’assit et se mit à les enseigner.

Poursuivons l’analyse avec le deuxième verset. Il commence avec un marqueur de temps (« dès le matin« ) et un nouveau marqueur de lieu (« dans le Temple« ).

Soyons clair : les Juifs tels que décrits dans l’Ancien Testament sont des matinaux ! L’expression « dès le matin« , « le matin« , « au matin » revient des dizaines de fois. Reprenons dans l’Exode une citation parmi d’autres :

34:1 L’Eternel dit à Moïse: «Taille deux tables de pierre pareilles aux premières, et j’y écrirai les paroles qui étaient gravées sur les premières tables que tu as brisées. 2 Sois prêt de bonne heure. Tu graviras dès le matin le mont Sinaï et tu t’y tiendras devant moi, au sommet de la montagne. (Ex 34:1,2)

Moïse gravit la montagne pour y recevoir l’enseignement de Dieu avant de redescendre présenter à son peuple les tables de la Loi (les fameux « 10 Commandements »). Dans notre exemple, Jésus descend quant à lui de la montagne pour enseigner la parole de Dieu qu’il a reçu directement de son Père. Ce n’est pas la seule fois que les figures de Moïse et Jésus sont mises en symétrie dans le Nouveau Testament.

Le marqueur « dans le Temple » fait référence au Temple de Jérusalem, lieu central de la religion juive de l’époque. D’après la Bible, le Premier Temple fut construit par le roi Salomon (qui aurait vécu au X ème siècle avant J.C.). Il a été entièrement détruit par le roi babylonien Nabuchodonosor II en 587 avant J.C. et les Juifs emmenés en captivité à Babylone. A leur retour vers 535 avant J.C., ils bâtirent au même endroit un Second Temple qui fut largement remanié par Hérode Ier le Grand (Roi de Judée et grand ami des Romains) à partir de 19 avant J.C. Ce Temple fut détruit par le futur empereur Titus en 70 après J.C. lors de la révolte des Juifs contre Rome. De nos jours, il reste peu de choses de ce Temple :

  • le mur de soutènement ouest qui n’est autre que le Mur des Lamentations lieu sacré pour les Juifs,
  • l’esplanade des mosquées et plus particulièrement la mosquée Al-Aqsa, 3ème lieu saint de l’Islam.

Pourquoi donc Jésus allait au Temple me direz-vous ? Tout simplement parce qu’il était Juif, qu’il a vécu en Juif et qu’il est mort en Juif ! Dit autrement, le fondateur du Christianisme n’était lui-même pas chrétien. Son message n’est qu’une interprétation particulière de la Torah juive. N’a-t-il pas dit selon l’évangile de Matthieu :

Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En effet, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre n’auront pas disparu, pas une seule lettre ni un seul trait de lettre ne disparaîtra de la loi avant que tout ne soit arrivé. (Mt 5:17,18)

Difficile à concilier avec les siècles d’antisémitisme professé par les églises chrétiennes…

Arrivé au Temple, tout le peuple s’approcha pour l’écouter (en gros une partie des Juifs présents au Temple à ce moment). Les textes bibliques aiment bien exagérer les nombres : on trouve toujours des multitudes, Jésus multiplie les pains pour 4.000 à 5.000 hommes…

Quant à Jésus, il se met en position assise : une position d’autorité (le roi est assis sur son trône pour recevoir ses sujets), mais aussi une position d’enseignant, comme le maître (« rabbi ») devant ses élèves ou la position du scribe. De quel enseignement s’agit-il ? De l’interprétation de la Loi.

3 Alors les spécialistes de la Loi et les pharisiens amenèrent une femme surprise en train de commettre un adultère. Ils la placèrent au milieu de la foule.

Nous allons faire connaissance avec deux des principaux « adversaires » de Jésus au sein des évangiles: les « spécialistes de la Loi » et les « pharisiens ».

« Les spécialistes de la Loi »

Trois termes sémantiquement très proches sont utilisés dans les différentes traductions de la Bible : « scribes », « légistes » et « spécialistes de la Loi ». Je n’ai trouvé aucune logique dans le choix de ces trois termes dans les différentes traductions, les usages s’entremêlant. Considérons donc que les 3 termes désignent plus ou moins la même chose. La traduction « spécialistes de la Loi » est particulière à la version Segond 21 et a le mérite d’être explicite quant à la compétence de ces personnages. Pour prendre une comparaison douteuse, les « spécialistes de la Loi » sont les commissaires politiques du judaïsme de l’époque, chargés de garantir l’orthodoxie des paroles et des actes par rapport à la Torah.

Dans l’Ancien Testament, cette dénomination n’apparaît qu’une fois, dans Jérémie 2:8, dans un passage où l’Eternel (Dieu) parle :

Je vous ai fait entrer dans un pays fertile pour que vous mangiez les fruits et les bons produits qui s’y trouvent, mais vous êtes venus et vous avez rendu mon pays impur, vous avez fait de mon héritage une horreur. 8 Les prêtres n’ont pas dit: ‘Où est l’Eternel?’ Les spécialistes de la loi ne m’ont pas connu, les bergers se sont révoltés contre moi, les prophètes ont prophétisé au nom de Baal et ils ont couru après ce qui ne sert à rien. (Jr 2:7,8)

Tout juste peut-on remarquer les « spécialistes de la Loi » ne comprennent pas l’Eternel alors qu’ils sont censés en être les experts puisque la Loi est la parole de l’Eternel. (!)

Si elle est anecdotique dans l’Ancien Testament, cette expression est beaucoup utilisée dans les Evangiles puisqu’on la retrouve 59 fois (auxquelles s’ajoutent 3 citations dans les Actes des Apôtres). Les « spécialistes de la Loi » y sont presque systématiquement associés soit aux Pharisiens, soit aux Grands Prêtres, soit aux deux. On peut relever quelques précisions les concernant laissant à penser qu’il s’agit de personnes importantes et respectées dans la Judée de l’époque :

Toutes leurs actions, ils les font pour se faire remarquer des hommes. Ainsi, ils portent de grands phylactères et allongent les franges [de leurs vêtements]. Ils aiment occuper la meilleure place dans les festins et les sièges d’honneur dans les synagogues. Ils aiment être salués sur les places publiques et être appelés par les hommes ‘Maître, [Maître]’. (Mt 23:5,7)

Il leur disait dans son enseignement: « Attention aux spécialistes de la loi qui aiment se promener en longues robes et être salués sur les places publiques! » (Mc 12:38 et Lc 20:46)

« Les pharisiens »

Il ne faut pas imaginer le judaïsme de l’époque de Jésus comme une religion monolithique. De nombreuses « variantes », « sectes » coexistaient. Les pharisiens étaient l’une d’elles. On ne connait pas clairement l’origine et la signification de ce terme. Pour rester simple à cette étape, il suffit de retenir que les pharisiens enrichissaient, précisaient la loi écrite (la Torah) par des traditions orales. Ce groupe particulier va prendre toute son importance lors de la destruction du Temple par les troupes de Titus. Les Juifs de l’époque ayant perdu leur centre religieux sont contraints de « se rabattre » sur leurs lieux de rencontre (les synagogues) où ils vont discuter de la Loi au lieu de sacrifier des animaux. Les pharisiens sont tout simplement les « précurseurs » de la forme actuelle de la religion juive. Leurs discussions vont être progressivement mises en forme dans un nouveau livre : le Talmud. Pour donner une analogie « juridique », nous pouvons dire que la Torah est le Code Civil (l’ensemble des lois)  alors que le Talmud recueille la jurisprudence, c’est-à-dire les jugements basés sur le Code Civil mais qui apporte des éclaircissements sur le texte de loi. Pour citer un sujet de discussion parmi d’autre : ai-je le droit d’aller chercher une de mes chèvres tombée dans un trou un jour de Sabbat, jour où je ne suis censé avoir aucune activité ?

Mais revenons à nos chèvres moutons et intéressons-nous maintenant à cette « femme surprise en train de commettre un adultère ». Elle est amenée au milieu de la foule, pour y être jugée.

4 et dirent à Jésus: «Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes. Et toi, que dis-tu?»

Remarquons tout d’abord que les adversaires de Jésus l’appellent « Maître ». Ce terme est très souvent associé à Jésus. Retenons par exemple ce verset :

Jésus se retourna et, voyant qu’ils le suivaient, il leur dit: « Que cherchez-vous? » Ils lui répondirent: « Rabbi – ce qui signifie maître –, où habites-tu? » (Jean 1:38)

Le terme hébreu « Rabbi » va donner naissance après la chute du Temple à la fonction de Rabbin, personne dont l’érudition dans l’étude de la Torah lui permet de prendre des décisions ou rendre des jugements en matière de Loi juive. A l’époque de Jésus, un maître est simplement une personne qui enseigne la Loi à des disciples.

Ces 2 petits versets nous offrent une vue plongeante sur la façon dont la justice était rendue à l’époque. Rappelons que le Code Civil n’existait pas et que les jugements étaient rendus suivant les principes décrits dans la Torah, encore appelée « Loi de Moïse » (toute ressemblance avec des événements actuels n’est pas que fortuite… Seulement 2.000 ans et quelques milliers de kilomètres nous séparent).

Premier principe fondamental : la Loi juive imposait le témoignage de 2 ou 3 personnes pour constater un crime ou tout autre péché, comme l’expliquent clairement au moins deux passages du Deutéronome :

C’est sur la déposition de 2 ou de 3 témoins que l’on fera mourir quelqu’un; la déposition d’un seul témoin ne suffira pas. (Deutéronome 17:6)

Un seul témoin ne suffira pas contre un homme pour constater un crime ou un péché, quel qu’il soit; un fait ne pourra être établi que sur la déposition de 2 ou de 3 témoins. (Deutéronome 19:5)

Jésus le rappelle lui même un peu plus loin dans le même évangile :

Il est écrit dans votre loi que le témoignage de deux personnes est vrai. (Jean 8:17)

Dans notre cas, le flagrant délit a été constaté pour une foule donc aucun doute quant à l’existence du délit.

Passons maintenant à la faute en elle-même : l’adultère. Les pharisiens et spécialistes de la Loi font référence à Lévitique 20 (sobrement appelé « Peines contre diverses fautes » dans Segond 21). Ce texte légifère sur toutes les possibilités d’accouplement : homme / femme (avec les sous-variantes sœur, fille, tante…), homme / homme, femme / femme, homme / animal et femme / animal. Je vous invite à le consulter ici.

Dans le cas qui nous concerne, le verset 10 indique clairement la peine encourue :

Si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s’il commet un adultère avec la femme de son prochain, l’homme et la femme adultères seront punis de mort. (Lv 20:10)

Ce texte n’explique pas comment la sentence de mort doit être exécutée. Pour ce faire, il faut faire référence à Deutéronome :

22 Si l’on trouve un homme en train de coucher avec une femme mariée, ils mourront tous les deux: l’homme qui a couché avec la femme, ainsi que la femme. Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël. 23 Si une jeune fille vierge est fiancée et qu’un homme la rencontre dans la ville et couche avec elle, 24 vous les conduirez tous les deux à la porte de la ville. Vous les lapiderez, ils seront punis de mort, la jeune fille pour n’avoir pas crié dans la ville, et l’homme pour avoir déshonoré la femme de son prochain. Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi. 25 Mais si c’est dans les champs que cet homme rencontre la jeune femme fiancée, s’empare d’elle et couche avec elle, seul l’homme qui aura couché avec elle sera puni de mort. 26 Tu ne feras rien à la jeune fille. Elle n’est pas coupable d’un crime digne de mort, car c’est le même cas que celui où un homme se jette sur son prochain et lui enlève la vie. 27 La jeune fille fiancée que cet homme a rencontrée dans les champs a pu crier sans qu’il y ait eu personne pour la secourir. (Deutéronome 22:22,27)

Notons là-encore la force du « flagrant délit » qui ne permet pas à la femme d’utiliser le verset 27 pour sa défense. Le grand absent de cette histoire est tout de même l’homme avec qui la femme a péché. Nulle trace de lui. J’avoue ne pas m’expliquer son absence dans cette histoire.

Peut-on en déduire pour autant que la femme adultère était vierge et fiancée ? Difficile à dire tant la lapidation semblait être le châtiment de prédilection des Juifs de l’époque :

38 Je te jugerai comme on juge les femmes adultères et celles qui versent le sang, et je ferai de toi une victime ensanglantée par la fureur et la jalousie. 39 Je te livrerai entre leurs mains. Ils démoliront tes centres de prostitution et abattront tes estrades. Ils te dépouilleront de tes habits, prendront les bijoux qui composaient ta parure et te laisseront nue, entièrement nue. 40 Ils exciteront la foule contre toi, ils te lapideront et te transperceront à coups d’épée. (Ézéchiel 16:38,40)

Signalons enfin qu’Etienne est lapidé pour blasphème dans les Actes des Apôtres (après la mort de Jésus).

Le verset se termine par « Et toi, que dis-tu ? » C’est une claire référence à des passages précédents de l’évangile où Jésus dit : « Eh bien, je vous le dis » (Jean 4:35) ou « En vérité, en vérité, je vous le dis… » (Jean 6:47, Jean 13:20, Jean 14:12…).

Avec ces cinq petits mots, nous pouvons revivre la scène. Les Spécialistes de la Loi et les pharisiens, agacés voire choqués par ce « Jésus » qui se permet depuis des semaines de remettre en cause les préceptes de la Loi,  le mettent devant une faute commise en flagrant délit et ne laissant donc aucune équivoque quant à la peine encourue. Nous les imaginons goguenards, très surs d’eux. Qu’est-ce que ce « gros malin » de Jésus allait bien pouvoir dire cette fois-ci ? Le cas est simple, c’est blanc ou noir, oui ou non. Aucune discussion n’est possible.

6 Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur le sol.

Le piège est effectivement tendu. En apparence Jésus n’a que deux options. Soit il accrédite simplement la Loi et la femme va être lapidée. Dans ce cas, la spécificité de son message disparait. Il est facile pour ses adversaires de dire que, finalement, ce nouveau prédicateur n’apporte rien de neuf. L’autre option est de remettre en cause la Loi et la peine encourue est alors claire : la lapidation. C’est ce que l’on appelle une stratégie Gagnant / Gagnant. On retrouve un piège semblable dans Marc, dans l’épisode de l’impôt à César (le fameux « Rendez à César ce qui est à César »).

Mais Jésus choisit une autre option : il se tait, se baisse et se met à écrire avec le doigt sur le sol. En se baissant, il désamorce la confrontation avec ses interlocuteurs, refuse l’échange de regards et tout contact et finalement reste dans la position du Maître. A un autre moment de son histoire, Jésus va utiliser le silence comme arme en face d’un interlocuteur : lorsqu’il rencontre Ponce Pilate avant son martyr.

Je parlais précédemment des subtilités de traduction des différentes éditions de la Bible. En voici une belle : « écrire avec le doigt sur le sol » est la traduction retenue par la plupart des versions de la Bible mais la TOB traduit par « se mit à tracer des traits sur le sol« , ce qui n’est pas la même chose. Sans doute la TOB évacue ainsi la question (sans réponse) qui a agité des générations d’exégètes : mais qu’a bien pu donc écrire Jésus ? Parmi les nombreuses hypothèses, citons :

  • Saint Jérôme qui pensait que Jésus écrivait les péchés des accusateurs de la femme adultère;
  • une référence à la justice romaine, le juge écrivant la sentence avant de la prononcer;
  • une référence à l’Ancien Testament :

13 Eternel, tu es l’espérance d’Israël! Tous ceux qui t’abandonnent rougiront de honte.» «Ceux qui se détournent de moi seront inscrits sur la terre, car ils ont abandonné la source d’eau vive qu’est l’Eternel.» (Jr 17:13)

Pour clore le sujet, le texte grec ne laisse aucun doute : Jésus « écrit » et ne « trace pas de traits sur le sol ».

7 Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit: «Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle.» 8 Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol.

Après un moment de réflexion (que l’on imagine assez long puis ses interlocuteurs « continuaient de l’interroger« ), Jésus répond de manière très habile : il ne remet aucunement en cause la faute et la peine mais fait appel à la conscience de ses interlocuteurs. A eux de prendre la responsabilité d’appliquer la peine.

Puis il se remet en position assise et écrit à nouveau. Jésus garde les yeux baissés et laisse la foule à sa réflexion. Cette double action « se baisser et écrire sur le sol »encadrant le message de Jésus « Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle » a tout d’abord une explication « technique ». Il s’agit d’une figure de style très répandue dans les textes bibliques : l’inclusion sémitique. Les mêmes termes (mots, expressions) sont répétés avant et après un passage qui est ainsi mis en évidence.

Certains exégètes voient aussi dans cette répétition une (nouvelle) référence à Moïse : après avoir reçu une première fois les tables de la Loi, Moïse les avaient détruites face à l’impiété de son peuple avant que Dieu ne les lui donne à nouveau. Je suis plus réservé sur cette interprétation, Jésus n’effaçant pas les mots écrits la première fois.

9 Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés et jusqu’aux derniers; Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu.

Les accusateurs se mettent à réfléchir, individuellement puis s’éloignent l’un après l’autre, aucun n’ayant la prétention de ne jamais avoir péché. Les plus âgés – qui sont aussi les plus sages – se retirent en premier. Les autres ne font que suivre le mouvement. Là-encore deux citations parmi d’autres nous renseignent sur la préséance donnée aux anciens dans la société juive de l’époque :

Tu te lèveras devant la personne aux cheveux blancs et tu traiteras le vieillard avec honneur. Tu craindras ton Dieu. Je suis l’Eternel. (Lévitique 19:32)

De même, c’est aux personnes âgées qu’est attribuée la sagesse, une longue vie est synonyme de discernement. (Job 12:12)

Pour revenir à la discussion précédente, Jésus lui-même ne se lèverait-t-il pas devant eux tout simplement par respect ?

10 Alors il se redressa et, ne voyant plus qu’elle, il lui dit: «Femme, où sont ceux qui t’accusaient? Personne ne t’a donc condamnée?»

Jésus, qui n’a sans aucun doute rien manqué de la scène précédente, interroge la femme adultère et feint de s’étonner de la disparition des accusateurs.

L’interjection « Femme » est utilisée dans plusieurs autres passages des évangiles, notamment dans l’évangile de Jean lorsque Jésus s’adresse à :

  • sa mère lors des Noces de Cana (Jean 2:4),
  • la femme samaritaine (Jean 4:21),
  • la femme adultère (Jean 8:10, le passage que nous étudions),
  • sa mère à nouveau lorsqu’il lui demande de considérer son disciple préféré comme son propre fils (Jean 19:26)

et enfin, après la Crucifixion de Jésus lorsque

  • les 2 anges s’adressent à Marie-Madeleine qui s’inquiète de la disparition du corps de Jésus (Jean 20:13),
  • Jésus lui-même s’adresse à la même Marie-Madeleine en lui demandant pourquoi elle pleure. (Jean 20:15).

Le fait que Jésus s’adresse à sa mère de la même façon qu’il s’adresse à des pécheresses « patentées » (rappelons que les Samaritains étaient détestés des Juifs et que Marie-Madeleine avait quelques péchés à son actif) a alimenté les phantasmes de nombreux historiens. Marie la mère de Jésus n’était-elle pas elle-même une pècheresse ? Et quel péché avait-elle pu commettre si ce n’est la naissance hors mariage de Jésus ?

C’est effectivement une interprétation possible. Je préfère personnellement une autre interprétation, voyant dans ce « Femme » une marque de respect mais aussi d’affection. La relation de Jésus avec les femmes fera l’objet d’un article à venir, tant elle me semble une des clefs expliquant le succès de sa prédication.

11 Elle répondit: «Personne, Seigneur.» Jésus lui dit: «Moi non plus, je ne te condamne pas; vas-y et désormais ne pêche plus.»

Voici la finale du texte. Jésus refuse lui aussi de condamner la femme, ce qui pourrait se comprendre comme un aveu implicite qu’il a lui-même péché. Il reconnaît la faute de la femme mais la pardonne et lui enjoint de recommencer sa vie sur de nouvelles bases, en oubliant le passé. Cette péricope renferme pour moi l’essence du message de Jésus et de ce que devrait être le Christianisme : le pardon.

La question qui vient à l’esprit est alors : Jésus a-t-il vraiment dit cela ? C’est à cet instant que je reviens – comme promis – au premier verset.

7:53 [Puis chacun rentra chez soi.

Rappelons qu’une péricope est censée représenter une unité rédactionnelle et, dans le cas présent, on verrait très bien commencer le texte en 8.1 (pour rappel : « Jésus se rendit au mont des Oliviers. »). 7.53 s’apparente plutôt à un verset de clôture qu’un verset d’ouverture.

Pourtant ce verset est intégré à la péricope. La raison est simple : il y a de sérieux doutes sur son authenticité, la plupart des éditions de la Bible la mettent d’ailleurs entre crochets.

Parmi les critères qui permettent de juger l’authenticité d’un acte ou d’une parole, il y a tout d’abord la stabilité du texte au travers des différentes anciennes éditions. Notre texte s’est beaucoup « promené » : certaines des plus anciennes versions des évangiles ne l’ont pas, certaines l’ont dans l’évangile de Jean mais à un autre endroit et certaines versions l’ont, mais à l’intérieur de l’évangile de Luc ! Mêmes les premiers commentateurs des Evangiles (les « Pères de l’Eglise ») l’ignorent ou remettent en cause son authenticité. Il faut dire que le sujet est difficile : on pourrait reprocher à Jésus de cautionner un des pires péchés qui soit, l’adultère. Les tenants de l’authenticité s’accrochent d’ailleurs à ce principe : cette parole est tellement gênante pour les premiers Chrétiens que le fait qu’elle ait subsisté est une indication de son authenticité. C’est le « critère d’embarras » souvent utilisé en exégèse, considéré comme beaucoup d’exégètes comme le meilleur critère. C’est d’ailleurs ce critère qui « justifierait » l’existence historique de Jésus … objet là encore d’un prochain article.

Conclusion (provisoire bien sûr)

L’analyse de cette péricope démontre bien à quel point le travail d’exégète peut être passionnant et en même temps ingrat.

Passionnant parce que c’est une chasse au trésor permanente au sein des textes pour y trouver une référence, un rapprochement. Passionnant parce que cela nous offre une vue en contre-jour de la société juive de l’époque.

Mais c’est aussi un travail ingrat car on ne peut au mieux que se forger des convictions personnelles, presque jamais des certitudes. Combien de fois ai-je dû reprendre cet article ! (et ce n’est probablement pas fini).

A titre personnel, je veux croire à l’authenticité de cette parole parce qu’elle me semble représenter la quintessence du message de Jésus : quelque soit la faute commise, le pardon est possible et par là-même redémarrer une nouvelle vie.

De mon point de vue, peu importe que Jésus ait ou non prononcé ces paroles, ce qui est important c’est qu’elles aient perduré au fil de siècle. Le plus important au final est le message et non pas le messager.

Références

Pour ceux qui veulent creuser le sujet de l’authenticité, l’article Wikipedia fournit quelques bonnes références (en anglais), surtout celle-ci.

Les explications sur ce qu’aurait pu écrire Jésus sur le sol proviennent notamment de :

Les Evangiles. Textes et commentaires – Editions Bayard
Hugues Cousin, Jacques Hervieux, Alain Marchadour et Claude Tassin.

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8 réponses à Jean 7:53-8:11 – Jésus et la femme adultère

  1. Stephane dit :

    Bonsoir,
    je viens de parcourir cette page sur la femme adultère et voulais vous féliciter car l’article présente des idées fort intéressantes et pertinente.
    Juste une remarque à propos d’un détail qui a un peu gêné ma lecture tout le long.
    Vous allez comprendre pourquoi….c’est tout simple :
    « Péricope » est un mot FEMININ et non masculin…
    Voilà ! C’est dit ! 🙂
    Encore bravo pour votre travail de recherche (et j’aime bien votre conclusion)
    Je reviendrai visiter d’autres articles avec plaisir et curiosité…
    From London
    Stéphane

    • Athee-man dit :

      Honte à moi ! Un grand merci pour la correction, j’ai mis à jour l’article dans la foulée 🙂
      Au plaisir de vous « revoir »

      • Joseph el khoury dit :

        Bonjour cher Athee-man

        Je viens de lire votre article sur la femme adultère, je vous félicite.

        Est ce que je peux avoir votre e-mail stp pour approfondire nos bibliographies?

        Grand merci
        Joseph

        NB: je suis en train de rédiger mon mémoire sur cette péricope.

        • Athee-man dit :

          Bonsoir et merci,
          N’étant pas chercheur professionnel, ma bibliographe est assez réduite et ne devrait pas vous surprendre.
          Mais je vous transmettrai ça par mail d’ici quelques jours.

  2. yves dit :

    Bonjour,
    En Jean 8,6 le grec a « kategraphen » (dessina, traça) – seulement quelques variantes ont « egraphen » (écrivit). Il faut donc plutôt penser que Jésus « traçait des traits… », même si c’est moins satisfaisant. Cependant, ce verbe est un hapax du NT, et ce même verbe est présent dans la Septante en Ex 332,15, où on fait référence à l’autre épisode d’un doigt qui a écrit quelque chose, Dieu écrivant les tables de la Loi (Ex 31,18 (voir ici: http://www.publicroire.com/croire-et-lire/jesus/article/pourquoi-jesus-n-a-t-il-jamais-rien-ecrit-lui-meme). Donc ça valait la peine d’utiliser ce verbe katagraphw!

    • Athee-man dit :

      Discussion intéressante.

      Je ne partage pas votre remarque « En Jean 8,6 le grec a « kategraphen » (dessina, traça) – seulement quelques variantes ont « egraphen » (écrivit) ». Les deux existent et je n’ai pas connaissance d’une étude qui aurait pesé le poids respectif des deux options, voire acté de la solution correcte. Si vous avez connaissance d’un tel article, je suis preneur. Sur quelle version grecque travaillez-vous ?

      Personnellement j’ai privilégié l’option « egraphen » pour 2 raisons :

      1 – c’est la traduction que j’ai rencontré le plus souvent dans les versions grecques que j’utilise (Stephanus 1550, Byzantine…). Malheureusement le Codex Sinaïticus ne contient pas cette péricope, ni le texte de l’Exode auquel vous faites référence
      2 – La Vulgate en latin ne laisse aucun doute sur le fait que Jésus a écrit (« scribebat in terra »). Soit on suspecte St-Jérôme de malhonnêteté, soit on admet que la version grecques sur laquelle il travaillait contenait « epigraphen », soit les copistes auraient modifié la Vulgate mais je n’en perçois pas l’intérêt.

      L’important à mon sens n’est pas tant le débat « Jésus a écrit » ou « Jésus a dessiné » mais plutôt dans le parallèle que l’on peut faire soit avec Moïse, soit avec Dieu lui-même. Toutefois, cette partie de l’article mérite une réécriture, au moins pour présenter les 2 options. J’ai commis l’erreur que je reproche à nombre d’historiens : présenter des convictions personnelles comme des faits avérés.

      Merci de votre remarque, je vais approfondir un peu le sujet et mettre à jour mon article.

  3. Florence dit :

    Bonsoir,
    Merci pour ce travail très intéressant que j’ai lu avec attention.
    Pour la conclusion en revanche, je trouve que vous allez un peu vite en besogne.
    Jésus ne pardonne pas mais effectivement il permet à la femme d’avoir un avenir.
    Il me semble que c’est la problématique des chrétiens catholiques divorcés-remariés dans l’accès à l’eucharistie en particulier.
    Bien à vous

    • Athee-man dit :

      Désolé de ma réponse tardive, j’ai délaissé ce site depuis un bon moment. Votre remarque est très intéressante.

      Selon le Larousse, le pardon est le « fait de ne pas tenir rigueur d’une faute, la rémission d’une offense« . Cette définition s’applique à mon sens parfaitement à toutes les mentions explicites de pardon que l’on trouve dans les évangiles (62 références directes), mais aussi implicitement dans l’épisode de la femme adultère. Le pardon n’est pas l’effacement du pêché mais, pour vous citer, le droit d’avoir un avenir malgré ce pêché, sans préjugés ou haine de l’autre. On efface et on essaye de ne pas recommencer. Donc je maintiens que Jésus pardonne la femme adultère. D’ailleurs l’église catholique propose souvent de méditer ce texte pour se préparer à recevoir le sacrement de réconciliation.

      Concernant le divorce / remariage, les évangiles sont parfaitement explicites dans sa condamnation : Matthieu 5:31-32 et 19:9, Marc 10:2-12, Luc 16:18, 1 Corinthiens 7:10-13. Même si la position de l’Eglise me semble horriblement rétrograde (je suis athée), elle me semble malheureusement parfaitement logique vis-à-vis des textes : le divorce/remariage est un pêché. Un couple divorcé / remarié est donc en état de pêché et il ne peut être pardonné que si il met fin à cet état.

      Rappelons enfin que les versets de Jean sur la femme adultère sont un ajout tardif et dont l’historicité divise les exégètes.

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